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Entretien avec Margit Ulama, fondatrice du célèbre festival autrichien d’architecture TURN ON.

«Architecture : théorie + organisation» – voilà ce qu’indique la petite plaque apposée sur la porte du bureau de Margit Ulama. Ces termes décrivent on ne peut mieux le domaine d’activité de l’architecte diplômée originaire de Linz et maintenant installée à Vienne au cœur d’un bâtiment du XIXe siècle. En tant que fondatrice du célèbre festival autrichien d’architecture TURN ON, elle se consacre à la théorie et à l’organisation architecturales. Son objectif est de donner un nouvel élan à l’aménagement de l’espace. Car, pour Margit Ulama, l’architecture combine à merveille art et quotidien, comme elle nous l’explique avec un franc sourire.

Vous souvenez-vous du jour où vous avez décidé de devenir architecte? 

À vrai dire, je rêvais de devenir enseignante parce que j’avais eu une institutrice exceptionnelle. Mais, je ne sais trop pourquoi, c’est le thème de l’art qui, pour finir, m’a le plus attiré. Faire des études d’histoire de l’art me paraissait néanmoins un peu trop éloigné de la réalité, j’ai donc décidé assez spontanément de m’inscrire en architecture. 

Qu’est-ce qui, pour vous, caractérise une bonne architecture?

Pour moi, l’architecture atteint des sommets lorsque le matériau se transforme pour n’être plus qu’atmosphère. Il y a peu, j’ai eu le plaisir de vivre cette métamorphose dans une étable construite pour une race bovine japonaise spécifique. Lorsque je l’ai visitée avec l’agriculteur et l’architecte, il en émanait une atmosphère presque sacrée. Mais les constructions de ce genre sont extrêmement rares. On perçoit plus souvent cette dimension dans des bâtiments historiques tels que la cathédrale Saint-Étienne à Vienne. Lorsqu’on en franchit le seuil, on est immédiatement pénétré par l’atmosphère incomparable qui y règne. 

Quels sont les éléments d’architecture qui permettent de créer une telle atmosphère? Peut-on les définir? 

Non, ce n’est en aucun cas lié à des éléments spécifiques. La magie s’opère d’elle-même sur le moment. Ces impressions sont bien sûr purement subjectives. Il est vrai que certains architectes ont réussi à créer une atmosphère absolument unique dans un grand nombre de leurs projets – Le Corbusier notamment. D’un autre côté, les bâtiments historiques sont aussi marqués par leur époque. Les édifices religieux, par exemple, ont souvent été érigés dans des lieux magiques, ce qui n’est pratiquement plus le cas aujourd’hui.

Quel est le rôle de l’architecture dans la société? Que peut-elle nous apporter? 

La contribution sociétale de l’architecture est considérable, autant pour l’individu que pour la collectivité et l’économie. Prenons l’exemple des touristes: ils visitent une ville pour admirer ses bâtiments historiques, mais aussi son architecture moderne. Par ailleurs, les grands groupes sont de plus en plus nombreux à faire construire d’imposants sièges sociaux afin de proposer à leurs cadres dirigeants un environnement de travail motivant. Je suis convaincue que l’espace dans lequel on travaille, ou dans lequel on vit, a une influence décisive. 

Vous avez fondé le festival d’architecture TURN ON en 2003. Quel était le concept de départ et comment se présente-t-il aujourd’hui?

Après avoir été invitée comme conférencière au festival viennois de littérature «Rund um die Burg», je me suis dit qu’il nous fallait aussi un festival d’architecture. Je me suis donc lancée sans hésiter dans ce projet et, avec un peu de ténacité, j’ai trouvé des sponsors et tenté de mettre un premier programme sur pied. Notre concept a immédiatement suscité un vif intérêt et nous avons pu démarrer dès 2003 avec une première édition d’une journée. À présent, le festival d’architecture TURN ON se déroule sur deux jours et demi, avec un programme très dense, et accueille des intervenants autrichiens aussi bien qu’étrangers.

La situation actuelle aura-t-elle un impact sur l’habitat de demain?

J’espère en tout cas qu’elle n’entraînera pas une hausse des constructions individuelles et de l’artificialisation des terres. Il faut revoir les plans d’urbanisme. Nous avons besoin de mesures intelligentes et censées, de concepts qui permettent une densification de la construction accompagnée de la création d’espaces ouverts attrayants. Ces impératifs offrent à l’architecture la possibilité de mettre en avant sa vision d’une vie future. 

Merci de nous avoir accordé cet entretien!